Une réalité que je vous laisse juger
La santé du leader reste un sujet largement négligé alors même qu'elle conditionne la pérennité de l'entreprise. Voici les chiffres récemment publiés, et je vous laisse juger :
État des lieux 2024-2025
- 66 % des dirigeants français déclarent souffrir d'épuisement professionnel (+26 % en un an, étude LHH 2024)
- 74 % reportent leurs soins de santé, faute de temps ou par priorité donnée à leur activité (Fondation MMA 2024)
- 31 % n'ont pas consulté de médecin sur les 12 derniers mois
- Seuls 29 % disposent d'un suivi médical régulier (13 points en dessous de la moyenne nationale)
Et en 2025 : 82 % des dirigeants déclarent souffrir d'au moins un trouble physique ou psychologique, avec seulement 68 % qui se considèrent en bonne santé mentale (contre 76-80% les années précédentes).

Ce que vous allez découvrir dans cet article :.
- Pourquoi négligeons-nous notre santé ?
- Quels sont nos paradoxes quotidiens face à notre santé ?
- Les 5 signaux qui ne trompent pas pour savoir quand agir.
- Les impacts à court, moyen et long terme (vous, équipe, entreprise).
- Comment agir ? 3 niveaux (individuel, collectif, gouvernance) + plan 90 jours et la Matrice des contradictions.
Pourquoi négligeons-nous notre santé ?
La culture du sacrifice
Le modèle du dirigeant héroïque valorise la disponibilité totale, l'endurance et la résistance au stress. Nous cumulons responsabilités stratégiques et opérationnelles, souvent dans la solitude décisionnelle.
Le résultat ? Des tensions silencieuses s'accumulent et nous jonglons avec nos paradoxes. Ces contradictions évidentes dont nous avons tout à fait conscience et dont nous jaugeons les risques.
Cependant, je propose de les relire, histoire de nous les remémorer et peut-être d'identifier un paradoxe sur lequel vous pourriez agir maintenant.
Les paradoxes de notre quotidien
Au cœur de ce déséquilibre, voici 8 contradictions comportementales qui reviennent sans cesse :
- Privilégier le temps pour l'entreprise ↔ repousser le temps pour soi
- Prioriser la dévotion professionnelle ↔ délaisser sa santé personnelle
- Se laisser happer par le stress organisationnel ↔ préserver sa sérénité
- Décider seul ↔ réseauter sans relâche pour développer l'activité
- Poursuivre son ambition à plein régime ↔ laisser sa santé en jachère
- Satisfaire le client à tout prix ↔ s'exposer au risque d'épuisement
- Se croire en bonne santé ↔ ignorer les signaux réels du corps
- Optimiser le court terme ↔ préserver sa santé sur le long terme
Ces paradoxes alimentent un discours interne toxique. Ces pensées vous sont-elles familières ?
"Je n'ai pas le droit d'être malade". "Je dois être toujours disponible". "Prendre soin de moi, c'est être égoïste".
Une dissonance dangereuse entre perception et réalité
Une étude récente révèle une autre contradiction frappante : 82 % des dirigeants se déclarent en bonne santé, alors que des études objectives constatent une hausse du stress, des troubles du sommeil et des problèmes cardiovasculaires.
Cette dissonance est particulièrement dangereuse car elle retarde la prise de conscience et l'action préventive.
Paradoxalement, 70 % des entrepreneurs évoquent au moins une douleur ou un trouble physique quotidien. Les plus fréquents ? Le mal de dos, les douleurs articulaires et les troubles du sommeil.
2025 : une conjoncture qui use les dirigeants
La dégradation de la santé des dirigeants tient, en 2025, moins aux "retombées post-COVID" qu'à la pression économique actuelle : coûts et délais sous tension, difficultés de recrutement, marges qui s'érodent.
Ce contexte installe une hyper-vigilance permanente, des arbitrages opérationnels et financiers au fil de l'eau, et une fatigue décisionnelle qui s'accumule.
Les baromètres récents montrent une hausse des troubles physiques et psychologiques (mal de dos, sommeil, anxiété), particulièrement marquée dans les secteurs et territoires les plus exposés. Cette usure se traduit aussi par des renoncements aux soins et des comportements à risque, avec un impact direct sur la productivité et la gouvernance.
En bref : intégrer la conjoncture économique dans l'analyse des risques santé des dirigeants est indispensable. Penser la santé du leader uniquement sous l'angle "sanitaire" fait passer à côté d'un levier explicatif majeur et des pistes d'action à prioriser.
Les 5 signaux qui ne trompent pas
Si vous vous reconnaissez dans au moins 3 de ces signaux, il est temps d'agir :
- Réveil à 3h du matin avec l'esprit qui s'emballe sur les dossiers en cours
- Irritation inhabituelle face à des situations qui ne vous dérangeaient pas avant
- Sensation de courir constamment sans jamais rattraper vos priorités
- Procrastination sur votre santé : "Je prendrai rendez-vous chez le médecin... plus tard"
- Isolement croissant : vous déclinez systématiquement les invitations personnelles
Les impacts : un effet domino destructeur
Sur vous-même
Court terme : fatigue, stress, troubles du sommeil, irritabilité et dégradation des habitudes alimentaires. 56 % des dirigeants se sentent débordés et stressés.
Moyen terme : comportements à risque, déni des alertes corporelles, troubles anxieux, déclin de la lucidité décisionnelle. 23 % évoquent un risque de dépression ou de burnout.
Long terme : burn-out, maladies chroniques (cardiovasculaires, diabète), arrêts prolongés, voire incapacité à diriger.
Sur l'équipe
Court terme : moral en baisse, propagation du stress, communication dégradée. 48 % des dirigeants déclarent un turnover supérieur à 50 % dans leur équipe de direction.
Moyen terme : désengagement, conflits latents, faible innovation. 41 % envisagent de changer de poste d'ici trois ans.
Long terme : décrochage collectif et perte d'attractivité de l'organisation.
Sur votre entreprise
Court terme : productivité en baisse, décisions plus impulsives, erreurs opérationnelles, retards clients et surcoûts de non-qualité.
Moyen terme : érosion des marges, perte de clients clés, projets stratégiques ralentis, désalignement du comité de direction.
Long terme : fragilisation durable (gouvernance et trésorerie), perte d’attractivité employeur et client, risque de défaillance ou de cession contrainte, particulièrement marqué en TPE/PME où la dépendance au dirigeant est forte.
Bon, maintenant que vous avez les chiffres et les indicateurs, passons aux solutions !
Solutions opérationnelles : de la posture individuelle à la gouvernance
Les bénéfices concrets d'une approche orientée prévention santé
Parlons résultats. Que gagnez-vous vraiment ?
- de la performance cognitive amplifiée : un dirigeant reposé prend des décisions 23% plus rapides et plus justes
- un leadership magnétique : une équipe suit naturellement un leader énergique et serein
- une capacité accrue à faire face aux crises : plus votre lucidité, votre énergie physique et vos liens de confiance sont solides, plus vous discernez vite, gérez vos émotions et agissez juste.
- une vision plus claire : seul un esprit apaisé peut construire une stratégie durable
"Depuis mes routines santé, mes collaborateurs me disent que je suis plus accessible et que mes décisions sont plus claires" me confiait une dirigeante de PME.
1. Actions au niveau individuel : piloter sa santé comme un actif stratégique
Je vous invite à :
Changer de regard : considérez votre santé comme un capital professionnel non négociable.
Réaliser un check-up annuel structuré : suivi médical régulier + protocole sommeil (les effets du sommeil sur le leadership sont scientifiquement prouvés).
Intégrer des routines de récupération : marche quotidienne, sport, micro-pauses, règle des 55h (ne pas franchir durablement ce seuil critique).
Poser des rituels de protection : déconnexion en fin de journée, journées "basses", suivi de l'énergie hebdomadaire.
Utiliser ma Matrice des contradictions : j'ai créé cet outil pour identifier mes paradoxes personnels et leurs impacts. Vous pourrez objectiver vos paradoxes plutôt que de les subir ou les nier.
Elle est consultable ici : https://drive.google.com/file/d/1YNDrYUnsgw7ixjVjbeXZewM3xM6D7teG/view?usp=drive_link
2. Actions au niveau collectif : outiller votre équipe et prévenir les RPS (risques psychosociaux)
Voici quelques suggestions :
Délégation stratégique et binômes de relais pour éviter l'hyper-dépendance. Comme le souligne Charlotte Moysan : "Si vous avez l'impression d'être indispensable à chaque décision, cela révèle un surinvestissement excessif". A vous de jauger alors votre surinvestissement et de son impact.
Comité "vigilance RPS" intégré au DUERP (outils INRS, "9 conseils pour agir").
Coaching & soutien entre pairs pour casser la solitude décisionnelle. Des structures comme l'Observatoire Amarok proposent des cellules d'écoute psychologique, et le CREDIR offre des programmes de remise en forme spécifiques.
3. Actions au niveau de votre entreprise : gouvernance et culture santé
Intégrez la santé du dirigeant dans la gouvernance (point systématique en CODIR sur la "soutenabilité du rythme de direction").
Pourquoi ne pas suivre quelques indicateurs simples ?
- Amplitude de travail (>55h = alerte rouge)
- Dette de sommeil (auto-score hebdomadaire)
- Fenêtres de récupération planifiées
- Signaux d'équipe (turnover, conflits, erreurs)
- Recours aux dispositifs d'aide
Bâtissez une culture organisationnelle qui valorise la santé comme facteur différenciant et de performance durable. Organisez une séquence avec votre équipe et posez 2 questions à débattre : qu'est-ce qu'être en bonne santé ? En quoi notre santé pourrait être un levier pour de la performance durable? Vous pourrez ainsi connaitre les indicateurs de chacun, convenir ensemble de la définition de la santé en équipe et de 3 à 5 indicateurs simples, communs et non médicaux.
Plan opérationnel 90 jours (prêt à déployer)
Jours 1-30
- Cartographier votre charge réelle (agenda, amplitude, pic/creux)
- Installer 2 rituels non négociables (sommeil/sport ou autre) + 1 journée "basse"/semaine
- Lancer l'évaluation RPS (outil INRS RPS-DU) et installer un "trio vigilance"
Jours 31-60
- Déléguer par binômes + délégations écrites
- Former le management aux signaux faibles (atelier 2h)
Jours 61-90
- Suivre vos 5 indicateurs santé
- Actualiser le suivi médical (RDV à jour)
- Limiter durablement les semaines > 55h
Mes solutions testées sur le terrain
Fruit de mes essais/erreurs personnels, voici les actions que j'ai mises en œuvre :
Planification proactive
- Agenda santé intégré aux priorités stratégiques
- Rendez-vous médicaux planifiés 6 mois à l'avance (non négociables)
- Métriques (sport- heures de sommeil - suivi hydrique quotidien) suivies mensuellement
Gestion du stress et régulation
- Protocoles de respiration cohérence cardiaque
- Déconnexion numérique quotidienne dès 21h chaque jour et 1 jour entier par semaine.
- Stratégies de régulation émotionnelle en situation de crise
Délégation
- Cartographie des tâches déléguables vs indispensables
- Formation systématique des équipes aux prises de décision
- Création de binômes de suppléance avec mes associés pour chaque fonction critique
Ajustement des priorités
- Matrice d'impact/effort appliquée quotidiennement
- Règle des 3 priorités maximum par jour
- Apprentissage du "non" stratégique (pas facile :) )

Investir dans la santé du leader, maintenant
Un dirigeant peut conduire loin son entreprise. Mais si ce chemin se fait au détriment de sa santé, il perd l'essentiel : sa vitalité et sa clarté d'esprit, les deux leviers qui rendent sa mission possible.
Personne n'est immunisé contre la pression : la santé est un enjeu stratégique de continuité et de performance. Traiter la santé du leader sans intégrer la conjoncture économique actuelle, c’est passer à côté d’un levier explicatif majeur et des bonnes priorités d’action
Comme le rappelle Thibaut Fleury, "à l'instar des sportifs de haut niveau, les dirigeants ont besoin de préparation, d'organisation et de récupération pour garantir leur performance".
Il ne s'agit plus d'une option, mais d'une urgence économique et sociale : au-delà de l'individu, c'est la résilience des équipes, la pérennité des emplois et la vitalité de nos territoires qui sont en jeu.
L'équation que j'aime transmettre est : sensibiliser + former = choix éclairés + actions appropriées.
C'est ce cadre qui guide mon approche : moins d'injonctions culpabilisantes, plus de compréhension des mécanismes et d'outillage concret.
Les organisations qui adoptent dès aujourd'hui cette vision prennent une longueur d'avance : elles attirent les talents, fidélisent leurs équipes et construisent une résilience durable que leurs concurrents n'ont pas.
Sources principales
Enquête nationale Institut Occurrence / Bpifrance Le Lab / Fondation MMA (2025) - 1 500+ dirigeants
Observatoire Amarok - Baromètre annuel sur la santé des dirigeants (2024)
Christine Buès - "Les dirigeants face à leur santé" eBook (2024)
LHH - Étude internationale sur l'épuisement des dirigeants (2024)
AIPALS - Étude sur le burnout des dirigeants post-COVID
Chaire Emlyon Business School / Malakoff Humanis (2023-2024)
INRS - Recommandations sur la prévention de l'épuisement professionnel
Charlotte Moysan & Olivier Torrès - Recherches sur la santé entrepreneuriale
Christine, le 30 août 2025