Le workaholism : comprendre, prévenir et agir en tant que leader

Une addiction bien habillée

Le workaholism, ou addiction au travail, est souvent perçu comme un excès de motivation, une forme d’engagement louable. Pourtant, c’est un comportement compulsif, bien documenté par la recherche, qui nuit autant à la santé qu’à la performance.

L’article scientifique de référence « Workaholism: Taking Stock and Looking Forward » (Taris & de Jonge, 2024) propose une synthèse de 50 ans d’études sur ce phénomène, et met en lumière son ampleur, ses mécanismes, ses effets délétères, ainsi que le rôle essentiel que peuvent jouer les leaders dans sa prévention.

Workaholism : de quoi parle-t-on ?

Le workaholism se définit comme la combinaison de deux dimensions :

  • une motivation interne compulsive à travailler (difficulté à décrocher, pensées envahissantes),
  • un investissement excessif d’efforts, bien au-delà de ce qui est attendu ou raisonnable.

Ce n’est ni de la passion, ni du perfectionnisme assumé : c’est une addiction comportementale, qui altère la santé et la vie personnelle, souvent au nom de la "performance".

Les causes : au-delà des traits de personnalité

Les recherches montrent que certains traits peuvent prédisposer au workaholism :

  • Perfectionnisme,
  • Tendance à l’anxiété, à l’inquiétude,
  • Faible conscience de ses propres limites.

Mais ce sont surtout les facteurs organisationnels qui favorisent cette addiction :

  • Une culture du surtravail où l’hyperdisponibilité est valorisée,
  • Des exigences élevées sans régulation,
  • Un manque d’autonomie ou de clarté des rôles,
  • Des environnements sous pression : cadres, dirigeants, indépendants, professions libérales.

En résumé : le problème est moins l’individu… que le système dans lequel il évolue.

Les conséquences : la spirale invisible

Contrairement aux idées reçues, le workaholism ne booste pas la performance. Il la freine, voire la fait chuter.

Voici ce qu’on observe :

  • Une détérioration de la santé mentale et physique (épuisement, insomnie, stress chronique),
  • Des conflits vie pro / vie perso,
  • Des impacts sur les proches, et parfois sur les enfants (par transmission de la norme de performance),
  • Une productivité souvent en baisse : fatigue chronique, rigidité, erreurs évitables, isolement.

Le rôle clé du leader : incarner l’équilibre

Un leader a plus d’influence qu’il ne le pense. S’il valorise l’hyperactivité, s’il répond aux mails à 22h, s’il félicite ceux qui ne prennent jamais de pause… il installe une culture du "toujours plus". Une culture qui nourrit le workaholism.

Ce que les leaders peuvent faire :

  • Incarner une posture équilibrée, où repos et performance cohabitent,
  • Refuser de récompenser les comportements d’addiction au travail,
  • Mettre en place des règles claires : horaires, déconnexion, droit au non,
  • Soutenir les collaborateurs dans une gestion saine de leur engagement,
  • Et… se surveiller eux-mêmes, car beaucoup de dirigeants sont les premiers à tomber dans le piège.

Prévenir, repérer, accompagner : quelles actions ?

Les chercheurs distinguent trois niveaux d’intervention :

🔹 Prévention primaire

  • Créer un climat qui valorise le travail bien fait, pas le travail excessif.
  • Réguler la charge, donner de l’autonomie, clarifier les attentes.
  • Former les managers à la prévention du burn-out et à la gestion des rythmes de travail.

🔹 Prévention secondaire

  • Repérer les signaux d’alerte : mails à toute heure, culpabilité à se reposer, isolement…
  • Utiliser des outils de repérage comme le Bergen Work Addiction Scale (BWAS).
  • Ouvrir des espaces de discussion sans jugement.

🔹 Prévention tertiaire

  • Proposer un accompagnement : coaching, psychothérapie, groupes de soutien.
  • Repenser le sens du travail, rééquilibrer les rôles.
  • Soutenir les leaders eux-mêmes dans ce réajustement.

Pour conclure : diriger, c’est aussi prévenir

Le workaholism est l’une des addictions les plus banalisées… et les plus récompensées. Pourtant, elle ronge la vitalité des personnes comme celle des organisations.

👉 En tant que leader, vous avez le pouvoir de renverser cette tendance, de créer un environnement plus sain, plus juste, plus efficace à long terme.

Et cela commence par une prise de conscience, suivie d’actions concrètes.

Source scientifique de référence

Ce blog s’appuie sur l’article de synthèse :
Taris, T.W. & de Jonge, J. (2024).
Workaholism: Taking Stock and Looking Forward.
Annual Review of Organizational Psychology and Organizational Behavior, 11, 113–138.
📎 DOI : 10.1146/annurev-orgpsych-111821-035514

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Christine, 7 juillet 2025